Théorisation du moi et formation clinique des psychologues
Réfléchir à la formation clinique des psychologues ne peut se faire en dehors des dispositifs thérapeutiques à mettre en oeuvre pour les populations dont ils ont la charge. Aujourd’hui il est de plus en plus évident que les troubles identitaires et narcissiques tels que les addictions, les états limite, la virulence de certaines expériences traumatiques, témoignent de l’importance grandissante de la haine, de la destructivité, rassemblées sous l’appellation de pulsion de mort. Pour y faire face, sur un plan thérapeutique, et ne pas redoubler l’impact de ces expériences traumatiques en s’adressant trop directement à l’inconscient des sujets concernés, il devient nécessaire de réfléchir à la valeur inconsciente du moi, instance qui permet au sujet de ne pas trop mobiliser ses défenses. La conceptualisation freudienne accorde au moi (la conscience) autant d’importance qu’au ça (l’inconscient) dans l’appareil psychique. Les déficiences archaïques, les sentiments de vide, la variété des symptômes psychosomatiques obligent le clinicien à déplacer, de plus en plus, son regard d’une dialectique oedipienne vers une dialectique narcissique. Les dispositifs symbolisants utilisant des médiations créatives – à partir du jeu au sens winnicottien -, et les dispositifs centrés sur l’analyse du transfert, comme les dispositifs groupaux (psychodrame), ont montré depuis ces dernières années, grâce à leur efficacité durable, à quel point il devenait nécessaire de construire de nouveaux dispositifs thérapeutiques, s’étayant sur la sensorialité, la motricité, la perception. Théoriser les différentes modalités d’expressivité de la réalité psychique, c’est aussi aider, dans le cadre universitaire de formation, les futurs cliniciens à se positionner dans leurs praxis par rapport à une méthodologie générale. Ils définiront ainsi plus précisément leur identité professionnelle dans les expériences de symbolisation mises en oeuvre avec leurs patients.
Patricia Attigui – Professeur de psychopathologie, Université Paris X Nanterre, patricia.attigui@orange.fr
